Folkeshi

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L'atelier Hiraga à Sakunami-onsen

Pouvoir visiter les ateliers de kokeshi est l'un des nombreux avantages de vivre au Japon – un avantage dont j'ai bien profité !

Fin mai 2017, sachant que mon temps au Japon se finissait, j'ai programmé un dernier séjour dans le Tohoku. Parce que les ateliers sont bien souvent des lieux privés, j'envoie toujours un courrier avant. Ça me permet de m'assurer que ma visite est la bienvenue. Écrire ces lettres me fait toujours l'impression d'écrire au Père Noël... J'ai même croisé les doigts en postant ma lettre à Hiraga Teruyuki, un artisan très populaire au Japon.


Pendant plusieurs semaines, je reste sans réponse... et la date de mon voyage se rapproche. Je ne veux pas paraître insistante, mais je me décide quand même à appeler. La dame qui décroche n'a pas connaissance de mon courrier mais, me dit-elle, l'artisan sera bien à son atelier ce jour-là. Sakunami fait donc officiellement partie de mon planning !


Sakunami-onsen est une petite ville thermale dans la banlieue de Sendai. Un bus m'y emmène pour quelques centaines de yens (quelques euros). Il y a moins d'un bus par heure, et je suis la seule à descendre à l'arrêt de Sakunami. J'oublie tout de suites les images romantiques de couples habillés en yukata, allant d'un onsen à l'autre : il n'y a pour ainsi dire personne dans les rues ! Il est encore très tôt, tout est calme. De l'autre côté de la rivière, un grand (et laid) hôtel propose l'entrée au onsen pour environ quatre fois plus cher que ce que ça coûte chez moi...

La devanture de l’atelier-boutique de Hiraga Teruyuki

Mais le cours d'eau est bordé de glycines sauvages en pleine floraison, et quelques dizaines de mètres plus loin, Hiraga Teruyuki est au travail, tournant du bois, et peignant une grande série de kokeshi colorées.

Je me poste à la porte et reste tranquille, j'observe le geste sûr de l'artisan, la pointe du pinceau qui trace des lignes sur le bois, les yeux peints avec précaution, le bruit du tournage du bois. La lente confection des objets faits à la main...


Au bout d'un moment, l'artisan me remarque, arrête son tour et initie la conversation – et s'excuse tout de suite pour la lettre non-répondue. Il débarrasse un peu la sciure qui recouvre tout le sol ou presque, appelle sa mère (qui reconnaît ma voix... ou mon japonais fautif!), parvient à trouver deux tabourets, me fait entrer dans sa boutique, adjacente, demande du thé, et place une assiette de biscuits devant moi. Deux clientes sont en train sont en train de peindre leur propre kokeshi ; il les complimente. Puis le thé arrive, il s’assoit, et, devant l'assortiment complet de ses kokeshi, nous discutons de son travail actuel.

Dans la boutique : les poupées kokeshi Sakunami de son grand-père, et les siennes : cornet de glace, à chapeaux, ou plus traditionnelles.

Sa famille peint un motif floral très particulier, qui ressemble à un crabe, et qu'on appelle « kanigiku ». Hiraga-san aime placer ce motif hérité de ses ancêtres sur ses kokeshi, y compris les plus créatives. Son grand-père, qui lui a appris le métier, travaillait dans le même atelier – il me montre avec fierté les grandes kokeshi réalisées par lui. La conversation s'éloigne un peu des kokeshi, nous discutons de ma propre expérience au Japon, et nos (jeunes) enfants respectifs, etc.


La boutique est pleine de poupées kokeshi très joyeuses : en forme de cornets de glace, avec des chapeaux, faisant un clin d’œil ou tirant la langue ; avec des cœurs, des poissons, des rayures arc-en-ciel... Au fond du magasin se tiennent les kokeshi traditionnelles, aux troncs longs et étroits. Je l'interroge à leur sujet : beaucoup plus difficile à vendre. En effet, la tendance actuelle au Japon favorise les poupées extrêmement kawaii, avec une palette de couleurs étendue, et de petites tailles.

Un genre dans lequel Hiraga Teruyuki excelle, et qui a fait sa réputation parmi les nouveaux collectionneurs japonais... ce qui le rend très occupé. Occupé mais tout de même très accueillant : il aura pris une heure entière pour notre conversation. Je m'applique ensuite à acheter la moitié de son magasin... ou presque !

Poupées kokeshi de Hiraga Teruyuki, de ma collection personnelle, et la signature de l’artisan.