Les céramiques kokeshi de Carole Lévy-Kerebel
Un jeudi soir de mars, j'ai discuté via Skype avec Carole Lévy-Kerebel, artiste céramiste française fortement influencée par le Japon. Carole façonne artisanalement des kokeshis en céramique depuis 2012, selon une technique complexe qui donne à ses céramiques un aspect unique, avec un rendu sur les visages proche de l'opale ou du marbre. Le résultat est très apaisant – je vous laisse juge !
Après un apprentissage de la céramique dans sa jeunesse, Carole a laissé l'argile de côté et est devenue libraire. Lorsque la librairie qui l'employait a fermé, elle est revenue à ses premières amours. Très marquée par la culture japonaise que son père estimait énormément, Carole pratique son art comme le font les maîtres japonais : avec patience et dévotion, dans un esprit de sérénité.
De quand date votre premier modèle de kokeshi ?
2012. Dans les années 1990, j'ai acheté ma première kokeshi, que j'ai offerte à ma mère – quelque chose de merveilleux, exceptionnel - et c'était vraiment le plus beau cadeau que j'ai pu trouver. La seule chose qui nous reliait aux kokeshis, c'était mon éducation japonisante de par mon père. Et, lorsque ma mère est morte, c'est la première chose que j'ai récupérée, comme quelque chose de très très fort. Quand j'ai repris l'activité de céramiste, j'ai cherché quelque chose qui me soit très personnel – et c'est les kokeshis qui m'ont attirée.
Pour vous, une kokeshi, c'est quoi ?
C'est un petit compagnon. Quelqu'un qui accompagne.
Est-ce que vous avez des kokeshis japonaises, en bois, chez vous ?
Oui. Une amie de longue date, japonaise, m'a offert une petite kokeshi en bois, vintage. J'en ai quelques-unes, offertes par mon mari ou des amis ayant voyagé au Japon, et puis celle de ma mère.
Vous travaillez toutes vos pièces en céramique sigillée. Qu'est-ce que c'est, exactement ?
La sigillée, c'est un revêtement qui est fait à partir de terre qui est séchée et réduite en poudre, et que je vais mélanger avec de l'eau de pluie et un défloculant (un produit qui sépare les particules fines des particules lourdes). Je vais utiliser uniquement les particules fines, sur mes pièces qui sont déjà modelées à la main, longuement polies, gravées, décorées. Une fois que les pièce sont sèches, j'applique en fines couches successives mes différentes terres sigillées. Ensuite, je cuis à 980°C. Lorsqu'elles sortent du four, mes kokeshis sont blanches et orange. Ensuite, je vais les enfumer – et c'est à ce moment que les couleurs de la terre vont ressortir, et vont faire que chaque pièce sera unique. La particularité de mon travail, c'est que je fais quelque chose de spécial au moment de l'enfumage pour le visage – ce qui leur donne ce halo de clarté.
Je fais mes kokeshis dans un esprit de sérénité, et je voulais que cela transparaisse dans la matière que j'utilise.
Il y a combien d'heures de travail sur une poupée ?
J'y passe cinq heures à dix heures. Ca dépend de la taille de la kokeshi bien sûr. Je vais passer au moins deux heures sur le modelage ; entre le polissage et le décor, il faut compter 1h30 à 2h ; et puis après le travail de la sigillée, au moins une heure. Et puis le temps de l'enfumage, de la préparation du four, le temps de prendre les photos et de mettre sur le site... donc sur chacune de mes pièces, il y a au moins cinq heures de travail.
Vous avez un lien très intime avec le Japon, lié à votre enfance. Comment se fait-il que vous ayez grandi dans la tradition japonaise ?
Mon père a rencontré un maître japonais dans les années 50-60, qui a amené la macrobiotique en France, et sa philosophie (ndlr : Georges Ohsawa). J'ai été élevée dans cet esprit-là. Par exemple, quand j'étais petite, on mangeait dans des bols avec des baguettes, je dormais sur des tatamis... Toute ma vie, les références ont été au Japon ancien, aussi bien dans la manière de se comporter que dans la manière de s'alimenter, ou même dans les références morales. Pour les gens qui me connaissent, ce que je fais aujourd'hui est évident.
Du coup, avez-vous eu l'occasion de voyager au Japon ?
J'ai eu l'occasion d'aller au Japon, mais une seule fois – et c'était justement pour une cérémonie en hommage à la femme du maître japonais dont on a parlé, en 2000. Avec mon frère et mon père, on a passé une semaine au Japon – en fait, j'ai passé une semaine comme en perpétuelle pâmoison. A partir du moment où je suis arrivée, je n'en revenais pas. J'ai trouvé tout génial, fabuleux, je voulais tout ramener, tout voir. Je suis partie de là dans un état de frustration extraordinaire, parce que j'aurais voulu y passer beaucoup plus de temps !
Dans mon environnement, je m'entoure de livres sur les décors japonais, les peintres japonais, les tissus japonais... Une amie m'a dit que mes kokeshis, c'était ma rêverie sur le Japon.
Actuellement, il est possible d'acheter les œuvres de Carole Lévy-Kérébel dans quelques boutiques et galeries d'art à Pau, St Jean-de-Luz et Dax. Elle reçoit également ses clients à son atelier de Pau. Il est aussi possible de lui commander des pièces en la contactant par Facebook. Comptez un budget de 80 à 200€ pour des petites pièces, plutôt 500€ pour une grande kokeshi – chaque pièce est unique.
Carole poste régulièrement des photos de ses kokeshis sur son blog – jetez-y un coup d'oeil !