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Nakanosawa, le 12e style traditionnel de kokeshi

ARTICLE MIS A JOUR en février 2019

Il y a du changement dans le monde relativement clos des kokeshis traditionnelles ! On connaissait jusque-là onze styles, dans lesquels les artisans s'inscrivent suivant leur formation : Nanbu, Tsugaru, Kijiyama, Yamagata, Hijiori, Sakunami, Togatta, Naruko, Yajiro, Zao-Takayu et Tsuchiyu. Mais depuis cet été (2018), un douzième style s’apprête à rejoindre la liste : Nakanosawa.

En août 2018, les artisans ont obtenu l’autorisation d’utiliser l’appellation “kokeshi Nakanosawa” plutôt que “sous-genre Nakanosawa”. Pour les spécialistes, il s’agit d’un premier pas important pour la reconnaissance d’un 12e style de kokeshi. Le dernier listing d’artisan établi par le musée Kamei de Sendai implémente cette nouveauté. Sous l'influence de ce groupement d'artisans de la préfecture de Fukushima, les poupées portant les caractéristiques « Nakanosawa » deviendront bientôt un style à part entière.

A vrai dire, ces poupées ne viennent pas d'être inventées, mais datent de 1922. Leur design a été imaginé par IWAMOTO Zenkichi (1877-1994). Cet artisan au profil atypique, également danseur de rue (il dansait sur les mains, avec entre les cuisses un coussin peint d'un visage ahuri !), a créé ce look unique, qu'il a transmis à son fils, IWAMOTO Yoshizo. Yoshizo a formé un grand nombre d'apprentis, suffisamment pour que cette innovation devienne légitime. On appelle aussi ces poupées “Tako-bozu”.


A quoi ressemblent les poupées kokeshi Nakanosawa ?

Les proportions entre la taille du corps et celle de la tête peuvent beaucoup varier, mais le dessin du visage ainsi que les motifs sur le corps sont très typiques. Le visage a une apparence comique, voire grotesque.

Voici le panneau explicatif exposé au musée Nishida, dans la préfecture de Fukushima :

Les yeux sont énormes (bikkuri-me), cerclés de rose ou de rouge (sur les modèles anciens, la couleur a parfois entièrement disparu). Le nez est large (shishi-bana), avec des narines, et détaillé. La bouche est ouverte, généralement tracée en noir et rouge, figeant la poupée dans une expression de surprise. Le corps porte souvent des fleurs de pivoine ou de cerisier, en plus de rayures. Sur le dessus de la tête, on retrouve les cercles noirs concentriques, caractéristiques du style Tsuchiyu.

La tête est emboitée sur le corps pour les plus grandes poupées ; les petites sont parfois d’une seule pièce. La tête est habituellement large, et les épaules sont tombantes, étroites.


Qu'est-ce que ça va changer ?

Jusqu'ici, les poupées Nakanosawa étaient un sous-genre, recherché d'ailleurs, du style Tsuchiyu. Bien que leur allure soit différente, elles sont également fabriquées dans la préfecture de Fukushima, ce qui a incité à les rassembler sous un même type. Cependant, la préfecture est grande ; et les artisans « Nakanosawa » sont installés à Inawashiro et alentours, tandis que les poupées Tsuchiyu sont présentes dans d'autres localités (Tsuchiyu-onsen, Sukagawa-onsen, Iizaka-onsen, Haramachi...). Il y a donc une origine et une cohérence géographique, ce qui est très important pour les styles traditionnels.

Intégrer les styles traditionnels officiels, c'est garantir que le nom « Nakanosawa » soit mieux connu. On passera d'un sous-genre « de spécialiste » à l'un des 12 styles, à égalité avec Togatta ou Naruko. C'est une façon efficace de garantir la postérité de ces poupées, et la transmission du nom. Il semblerait logique que les musées de kokeshi au Japon réorganisent leur collection en tenant compte de cette annonce, et valorisent mieux les poupées Nakanosawa ; et que les parutions à venir leur accordent plus de place.

A mon avis, il devrait y avoir deux types de retombées. D'une part, une plus grande facilité à recruter des apprentis, qui garantissent que le style originel se perpétue. On peut imaginer que démarrer un apprentissage actuellement soit plus attrayant que par le passé. D'autre part, des retombées touristiques puisque Inawashiro sera reconnue comme la ville originelle d'un 12e style traditionnel, et il serait tout à fait légitime que la ville mette en avant cet artisanat. Beaucoup d'autres localités liées aux kokeshis accueillent des démonstrations et des ateliers, ont de grandes poupées qui ornent la ville, etc.

Inawashiro, petite ville près du lac du même nom, rassemble 15000 habitants sur une superficie de 395 km². On est donc clairement du côté du Japon rural. On peut la rejoindre par le train, soit en provenance de Sendai (1h45), ou de Tokyo (2h30).

Actuellement, 8 artisans produisent des kokeshis Nakanosawa : KAKIZAWA Fumio (né en 1947), ISOKAWA Morio (né en 1937), SAITO Tokuju (né en 1926), ARAKAWA Yoichi (né en 1938), SUZUKI Isao (né en 1954), SEYA Kouji (né en 1952), NOYA Toshifumi (né en 1946) et NOYA Satoshi (né en 1978). Espérons que cette nouvelle encourage de jeunes artisans à prendre la relève !